Libération
Madagascar, l’azur sombre
24 Juillet 2015
CLÉMENTINE MERCIER
CRITIQUE La photographe néerlandaise Scarlett Hooft Graafland est une aventurière. Et une peintre des touches colorées. Elle voyage, atterrit dans des bouts du monde et s’imprègne des paysages. Une fois bien acclimatée, elle fabrique des images inédites en mixant le panorama, les habitants rencontrés sur place et son imagination, surréaliste. Après avoir réalisé des photographies en Islande, en Chine, dans le désert de sel bolivien, en Norvège et dans l’Arctique canadien, la voici à Madagascar telle une alchimiste de la couleur bleue. Souvent, la photographe se met en scène - on l’avait vue nue sous une peau d’ours polaire au Canada, nue sur des toits islandais, mais, à Madagascar, elle a fait appel à des modèles. Au point le plus septentrional de l’île, près de la ville d’Antsiranana, elle a choisi d’évoquer un moment douloureux de l’histoire malgache : la traite des esclaves pratiquée du XVIIe au XIXe siècle. On nommait «Bleus» ceux qui étaient emmenés par les bateaux portugais, hollandais et français. Sans doute à cause de la couleur de la mer, mais aussi à cause de la peau noire proche du bleu outremer des esclaves, les plus sombres étant embarqués tandis que les Malgaches, de type indonésien avec une peau plus claire, étaient épargnés.
Pour évoquer cette histoire, elle a peint les petits corps d’une bande d’enfants en bleu azur. Alignés de dos, ils rendent un hommage poétique aux ancêtres disparus. D’autres, à moitié renversés dans une barque, portent des collants évoquant la mer aux couleurs changeantes. A côté d’eux, un zébu.
A Madagascar, tout le monde connaît la légende du Zébu bleu. L’apercevoir, dans la forêt, porte chance. Chance qui a manqué aux esclaves, noyés dans le grand bleu du commerce triangulaire.
Elle exposera en 2016 au Huis Marseille Museum for Photography à Amsterdam.
Madagascar, 2012-2013 de Scarlett Hooft Graafland, née en 1973 aux Pays-Bas. Vit à Amsterdam.
24 Juillet 2015
CLÉMENTINE MERCIER
CRITIQUE La photographe néerlandaise Scarlett Hooft Graafland est une aventurière. Et une peintre des touches colorées. Elle voyage, atterrit dans des bouts du monde et s’imprègne des paysages. Une fois bien acclimatée, elle fabrique des images inédites en mixant le panorama, les habitants rencontrés sur place et son imagination, surréaliste. Après avoir réalisé des photographies en Islande, en Chine, dans le désert de sel bolivien, en Norvège et dans l’Arctique canadien, la voici à Madagascar telle une alchimiste de la couleur bleue. Souvent, la photographe se met en scène - on l’avait vue nue sous une peau d’ours polaire au Canada, nue sur des toits islandais, mais, à Madagascar, elle a fait appel à des modèles. Au point le plus septentrional de l’île, près de la ville d’Antsiranana, elle a choisi d’évoquer un moment douloureux de l’histoire malgache : la traite des esclaves pratiquée du XVIIe au XIXe siècle. On nommait «Bleus» ceux qui étaient emmenés par les bateaux portugais, hollandais et français. Sans doute à cause de la couleur de la mer, mais aussi à cause de la peau noire proche du bleu outremer des esclaves, les plus sombres étant embarqués tandis que les Malgaches, de type indonésien avec une peau plus claire, étaient épargnés.
Pour évoquer cette histoire, elle a peint les petits corps d’une bande d’enfants en bleu azur. Alignés de dos, ils rendent un hommage poétique aux ancêtres disparus. D’autres, à moitié renversés dans une barque, portent des collants évoquant la mer aux couleurs changeantes. A côté d’eux, un zébu.
A Madagascar, tout le monde connaît la légende du Zébu bleu. L’apercevoir, dans la forêt, porte chance. Chance qui a manqué aux esclaves, noyés dans le grand bleu du commerce triangulaire.
Elle exposera en 2016 au Huis Marseille Museum for Photography à Amsterdam.
Madagascar, 2012-2013 de Scarlett Hooft Graafland, née en 1973 aux Pays-Bas. Vit à Amsterdam.